Ernest ronflait les quatre pattes en l’air, sur un rocher.
L’arrivée d’une voiture dans la clairière le réveilla en sursaut.
« Oh mon dieu ! Oh mon dieu ! » Il entendit un bruit sourd de grattements derrière lui.
« Raymond, bordel ! Arrête de creuser ! On a de la visite ! »
Celui-ci sortit de son début de terrier.
« C’est qui ?
-J’sais pas, j’dormais ! » Il s’avança sur le rocher « Une voiture ! Des humains quoi ! Et Maurice qui ne nous a pas avertis, l’abruti !
-Oh ben oui mais y a dû s’assoupir lui aussi, le pauvre !
– Le pauvre ? Quand on est de garde, on s’y tient, on ne s’endort pas !
– Tu sais bien qu’il a mal hiberné, il s’est réveillé début Janvier pour un besoin de… Un besoin quoi !… Et il n’a réussi à se rendormir que fin Février, donc il galère un peu. C’est compréhensible non ?
– M’en fous ! C’est irresponsable de sa part ! Et si ça avait été un aigle, hein ?
– Ben oui mais bon, avec cette chaleur, sur la digestion de Midi, ça s’explique !
– C’est pas moi qui fais les planning ok ! Il est désigné pour la tranche 14h-17h, il assume !
– Bref ! Et les arrivants alors ? »
Ils s’approchèrent au ras du rocher pour jeter un œil.
Trois personnes dont le grand chevelu qui vient souvent.
« Ah c’est lui ! Fausse alerte alors ! Tu sais bien qu’il ne nous veut pas de mal.
-Et il y a la fille aussi. Des habitués, ces deux là !
-Et une autre fille ! Quelle santé ces hommes humains !
– Oui !
– Déjà que moi, passé Mai, ma libido s’effondre jusqu’à l’hiver…
– Ben eux, apparemment, c’est tout l’temps.
– Bon, j’fais quoi, je crie pour prévenir les autres ? Ils vont reconnaître ma voix et Maurice va se faire taper sur les griffes !
– M’en fous, il assumera ! Crie ! »
Un cri strident mit en alerte les feuilles, les cailloux, les fleurs et les marmottes.
« Vous entendez ça ? » Dit Alexandre. « Des marmottes qui nous accueillent ! »
Il dirigea son regard et un doigt vers le tas d’éboulis où se cachaient Ernest et Raymond.
« P… ! Repérés ! On est repérés ! P… ! P… ! P… !
– Ah ça, il a l’œil fin, celui-là ! Je fais quoi ? Je crie pour dire qu’on est repérés ?
– Attends, je regarde… P… Oui !… Il nous a repérés, il montre ce caillou. » Et il tapota celui sur lequel ils étaient couchés.
Ils se plaquèrent au sol du mieux qu’ils pouvaient.
« Je ne vois pas. » Dit Juliette qui scrutait des cailloux recouverts de cailloux.
– Tu ne vois pas la tache brune qui dépasse de celui-là ?… Suis mon doigt !
– Ok !
– Ce que tu vois, c’est un cul de marmotte !
– Ah oui ! »
Encore un cri, plus faible mais audible.
« Baisse tes fesses Raymond, tu fais une cible parfaite ! Il serait temps que tu perdes un peu de ton pelage d’hiver non ?
– J’aime la chaleur tu sais ! Et puis, faut bien qu’on se montre un peu, sinon, il ne saura pas où lancer ».
Aussitôt dit, un bout de pain passa en rase-marmotte au-dessus de leurs oreilles.
« Non mais ! Le fou ! L’a failli nous décapiter ! Malade, va ! »
Un cri strident.
« Elle n’a pas l’air contente ! Tu es sûr que ça mange du pain ?
– Affirmatif !
– Moi, je crois que tu en as tué une à coup de quignon ! Un vrai trappeur !
– C’est leur cri d’alerte, ils discutent à notre sujet. Regarde si ça ne leur plaît pas ? »
La plus grosse des marmottes se rua à découvert à la conquête de l’offrande.
« Ta gloutonnerie te perdra, Raymond ! »
Un autre cri strident.
« Tiens, Maurice qui réagit ! il serait temps ».
Un cri puis un autre. Puis plusieurs qui se répondent et montent en intensité.
« Euh ! C’est agressif une marmotte ?
– Il est dénombré moins d’attaques de requins que de marmottes dans les Pyrénées… Mais on en ressort généralement avec seulement une grosse honte d’avoir eu peur, rassure-toi. »
Elsa s’impatientait : « Quand vous aurez fini d’admirer des cailloux.
– Oui, partons ! On en verra d’autres plus haut ! »
Ils s’éloignèrent.
« Tu as été dur avec Maurice !
– Ben oui mais bref…
– J’veux dire ! Il a fait une erreur mais il s’en veut, il te l’a dit !
– Si ça avait été un aigle.
– Oui mais quand même ! Tes mots étaient violents ! Tu ne peux pas parler comme ça ! On n’est pas des humains. Après, ça crée des tensions dans l’groupe.
– Tu veux qu’on lui garde un peu de pain pour s’excuser ?
– Ben !… Si ça avait été un aigle ?
– Je me disais aussi ! Va continuer ton trou, j’avertis les autres qu’ils ont de la visite. »
Joli ! 🙂
Merci !!
enfin les voilà. Enfin voilà les marmottes et quelles marmottes. Du rire et du bonheur. bravo l’artiste
De la marmotte midi-pyrénéenne qui ne s’en laisse pas compter !! Merci !
dans les Alpes du sud nous avons aussi des marmottes qui parlent …
Sûrement des cousines !
De l’incompréhension entre les espèces…
Super dialogue 🙂
Merci !!!!!