Juliette avait insisté pour s’asseoir à l’arrière.
« Tu es sûre ?
– Certaine ! Et quand j’ai décidé… » Elsa prit place à côté d’Alexandre.
Juliette s’était installée, avait bouclé sa ceinture et continuait, comme elle le faisait depuis le matin d’observer les deux tourtereaux.
Ne pas rompre le charme, laisser à l’amour toute latitude pour s’exprimer. Quand l’émotion se moque de la pudeur, n’est-ce pas magique !
D’oser poser au grand jour la joie simple.
« Mon école !… » Lança Alexandre en passant devant un bâtiment qui ressemblait à une école. « La mairie ! » Visite des incontournables.
Elsa avait déjà fait tant de fois la tournée de ces grands ducs-là. Elle connaissait tous les petits papiers d’Alexandre.
Juliette recontactait à travers eux ce qu’elle avait déjà vécu, ce qu’elle espérait revivre. Elle se reprit : « Ce qu’elle était certaine de revivre, là, très vite, très bientôt ». Quand elle serait prête.
Ce sentiment d’être relié à un autre, tout doute qui s’efface, et ce besoin, car c’est bien de cela qu’il s’agit, ce besoin de ressentir l’autre, qu’il soit près ou loin, de garder la connexion.
Elle était aux premières loges de cela à l’instant.
C’était émouvant et cela la rendait aussi un peu jalouse de vivre à leurs côtés ces instants qui n’appartiennent qu’à deux, qu’on ne saurait comprendre même s’ils ressemblent pourtant à un déjà-vécu pour tout un chacun.
Il sourit, Elsa toucha légèrement son bras, elle glissa un mot à son oreille, il sourit à nouveau.
Juliette se sentit petite souris.
Les vitres avant étaient grandes ouvertes afin d’accueillir le printemps dans l’habitacle et ses cheveux, qu’elle avait libérés du joug honteux de l’élastique, flottaient au vent jusqu’à, par fines mèches, lui fouetter délicatement l’œil d’une fourche complice.
« Non, ça va ! J’aime !… Et ça m’aide à me réveiller aussi ! »
Ils étaient mignons à chercher à l’intégrer dans leur bulle. Elle n’en fit rien, les laissant tranquilles, à l’abri.
Elle hochait la tête quand une question lui était adressée, souriait à des blagues qu’eux seuls comprenaient.
Oui ! Juliette voulait cela, cette pulsion qui fait gagner en aisance, qui remplit ce vide béant en soi.
Quand bien même elle savait que s’en remettre à l’autre ouvre au risque de la grande déception. Mais bon. Il n’y a aucun mal à cela. Peut-on faire autrement ? Y-a-t-il autre choix que de courir ce risque ?
Elle était prête à courir, à voler et même à ramer pour ça.
Sinon quelle alternative ?
Devenir nonne lui paraissait un peu excessif. Elle sourit. « Oui, pas de décision précipitée ! »
Plus de village dans leur horizon mais des collines à l’ombre des montagnes, des vallées de plus en plus basses au fur et à mesure que la voiture prenait de l’altitude.
Et la végétation épousant cette route qui grimpait sûrement à flanc de montagne, creusant son chemin au plus près des talus, ce vert conquérant tout espace abandonné par l’hiver, cette nature renaissante qui coulait tout autour. Et cette pause salvatrice à l’ombre de leur bonheur qui l’irradiait de belles ondes.
Il y avait quelque chose de changé en Alexandre.
Elle l’avait senti de suite, dès qu’elle l’avait vu aux côtés d’Elsa ; au premier abord, elle n’avait su trouvé les mots; en fait, il n’était pas l’Alexandre amoureux qu’elle connaissait, l’homme transi quand son amoureuse frissonnait, le fou éperdu nourri au besoin de satisfaire l’autre à chaque instant.
Un autre Alexandre, toujours aussi touchant, toujours attentionné mais, quelque part plus fort. Fort n’était pas le mot. Plus solide ? Ou posé ? Serein ?
Redécouvrir quelqu’un se joue en bien plus qu’un adjectif choisi. Il faut du temps. Elle avait un week-end pour connaître leur amour.
« Oui ! Vraiment !
– Comme tu veux ! L’air est frais quand même. »
Ils laissèrent les vitres ouvertes, Juliette repartit dans ses pensées et la voiture s’enfonça dans la forêt, n’ayant plus comme ciel que le faîte des arbres.
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