Réveil printanier

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Marotte de marmotte, Ernest passait tout son printemps à même la pierre, dorant son pelage d’hiver aux chaleureux éclats du soleil jusqu’à ce que tonte naturelle s’ensuive.

« Salut, Ernest ! » glissa Raymond tout en s’étirant.

« Salut, Raymond ! Tu te réveilles enfin !

– Oui ! Oui !… Et toi ? Levé depuis longtemps ?

– Depuis jeudi ! Une catastrophe d’hibernation cette année ! Réveillé tous les 15 jours ! Je me sens… Épuisé !

– Ah zut ! Moi, ça va, ça s’est bien passé, c’est juste qu’au bout de 5 mois et demi à dormir, je m’ennuie un peu, du coup, j’ai abrégé !

– OK ! »

En contrebas, dans la clairière, des humains s’affairaient autour d’un véhicule, une corsa 4X4.

« Il se passe quoi aujourd’hui ?

– Pas grand chose pour l’instant ! Tous les autres sont arrivés très tôt vers 7 heures du mat’ ! On sentait les habitués de la montagne ! Vas-y que j’ai du bâton de marche, du mousqueton et de la couverture de survie ! » Et Ernest désigna d’autres véhicules garés aux meilleures places, dans l’ombre des frondaisons à cette heure avancée de la matinée. « … Mais je fonde de grands espoirs sur ceux-là ! Regarde ! »

Le groupe d’humains, flirtant entre cinquantaine et soixantaine d’années, s’éloignait des voitures vers les sentiers de randonnée.

« Tu as vu ? Des tennis aux pieds, pas ou peu de couvre-chefs, une glacière comme seul bagage !

– De bons clients effectivement ! Quelles sont les côtes ?

– Insolation, 5 contre 2, déshydration, 4 contre 3… Ah, ils prennent la route des crêtes !

Ernest lança l’information à la ronde d’un cri strident.

– Mets 2 tablettes de chocolat pour moi sur « entorse de la cheville » veux-tu ?

– 2 contre 1 ! Pas de risques pour une reprise !… Tu veux pas rajouter un hélitreuillage d’urgence histoire de pimenter l’affaire ? 8 contre 1 ?

– Allez ! Faut être joueur ! »

Ernest envoya les informations; réponse dans l’instant venant de l’autre côté de la montagne.

« Tiens, c’est André qui gère les mises ! Il est réveillé tôt cette année !

– Apparemment, sa nouvelle a le sommeil léger et la patte lourde ! Du coup, pas de prolongations pour lui… Il galère, lui qui est plutôt de Juin… » Nouveau cri « … Ah, le comité n’établira les résultats finaux que vers 18 heures, vu que les glissades, c’est plus souvent au retour, sur la fatigue !

– Tiens, d’ailleurs, je mise mais faut que je me refasse ! Tu as un boulot pour moi ?

– Attends voir ! Les vigies, c’est déjà pris ! Bernard et Raymond sont d’ssus ! Les apparitions spontanées à l’aire de pique-nique, c’est Marcel et Charlotte…

– Cette Charlotte, depuis qu’elle a été choisie pour être mascotte à Luchon, je trouve qu’elle a les meilleurs postes…

– Hélas, clientélisme, mon bon ami ! Tout le monde n’a pas la chance d’avoir beau-Papa au syndicat !… Eh, vu que t’es là et que toute ta famille dort encore, ce soir, on sort ? Les isards reçoivent : lait de chèvre et toasts aux repounchous !

– Pourquoi pas ?… Et sinon, rien d’autre à me proposer ?

– Tu peux rester avec moi si tu veux ! Gérard me rejoint dans quelques minutes, on va essayer de siphonner un ou deux réservoirs pour alimenter le groupe électrogène ce soir !… Et ce soir, tu viens, hein !? Me fais pas faux bond ! Paraît qu’il y aura de la loutre !

– Moi, tu sais, s’il y a du lait de chèvre, je suis toujours partant ! »

 

Autres aventures de nos deux trublions :

Interlude siestique

Ch. terrier avec dépendances

La colline a des doutes

 

 

4 réflexions sur “Réveil printanier

  1. Une vie de marmotte, on ne s’imagine pas… Qu’est-ce que c’est intense !
    Tonte naturelle, corsa 4×4, paris sur l’entorse, whouah, en plus, ça décoiffe !
    Et puis, ils ont le téléphone on dirait. Le progrès ne s’arrête pas à l’entrée des terriers, il traverse les montagnes.

  2. J’ai bien rigolé : c’est du vécu. Moi qui fut marmotte dans une autre vie, j’ai apprécié votre reportage qui vole haut les pattes et ras de la touffe (d’herbe). C’est incisif, visuel, et tonique comme un bol d’air frais. Dites, quel quart prenez-vous que je vous rejoigne ?

  3. Tes marmottes rigolottes me font penser à mon mari, qui, dès les premiers rayons de soleil du printemps savait qu’il allait devoir sauver des motards trop brutalement freinés dans leur courses.

Ron-ronne-moi un commentaire

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