…. Papillons…

Ils restèrent ainsi pendus-accrochés aux lèvres l’un de l’autre, n’osant même pas bouger, n’osant pas se toucher d’une main ou effleurer l’autre…

Ces deux lèvres leur suffisaient, connectant leurs deux êtres totalement. Leurs langues se mirent à danser la sardane, se tournant autour lentement, puis se caressant fiévreusement et rien, pas une once d’extérieur ne rentrait dans leur cocon amoureux.

Et quand, enfin repues, leurs lèvres en vinrent à lâcher l’étreinte, ils rouvrirent les yeux sur cet univers qu’ils avaient quitté quelques instants.

ils rouvrirent les yeux et cet univers leur apparut bien plus beau que celui qu’ils avaient quitté.

Elsa était tellement contente de n’avoir pas voulu voir la montagne Saint Maurice.

Plus jamais elle ne tournerait la tête à droite. Son avenir se jouait résolument à gauche.

Et à sa gauche se tenait Alexandre, serré contre elle.

Elle le découvrait tout doucement depuis un mois. Tout entre eux s’était joué sur une note délicate, leur rencontre était une douce mélopée, une fugue légère…

Et ce mois s’achevait par cette fuite de deux, loin du Monde.

Ce rocher serait le leur comme on s’approprie toujours les premiers instants, comme on les enrobe de l’incomparable pour mieux les dérober, les emporter dans sa tanière secrète.

Ils restèrent là égrainant chaque seconde paisiblement, regardant alentour, humant l’instant encore et toujours.

Tout cela rimait avec simplicité et Elsa devait bien l’admettre, ce sentiment nouveau, cette découverte lui plaisait fortement.

Lui ne disait rien mais elle sentait son corps détendu, il était dans son élément.

Et elle était ravie de faire partie de son élément.

Alexandre eut besoin de dire alors il lui susurra :

« Elsa… J’aime ta simplicité, j’aime ces petits gestes timides, ces légères attentions que tu distilles avec retenue; cela peut sembler, comment dirais-je… »

Elsa n’aurait coupé Alexandre pour rien au monde, elle goûtait entièrement chaque syllabe qu’il prononçait et elle qui avait si souvent tendance à reprendre les gens, à finir leurs phrases, n’avait qu’une envie, que lui finisse la sienne avec ses mots, elle lui aurait laissé toute l’infinité du temps s’il en avait eu besoin. Elle avait besoin qu’il finisse cette phrase.

« … J’allais dire que ça peut paraître fou, c’est insensé de ressentir cela pour quelqu’un qu’on ne connaît que depuis quelques semaines, je veux dire qu’on est tellement bercés de doutes, on nous insuffle tellement de peurs de l’autre que… Et… Avec toi, je n’ai pas peur… Oui, c’est ça… »

Elsa aurait d’habitude relevé la phobie de l’ampoule d’un air pincé et avec l’humour teinté d’ironie qu’elle cultivait si assidument mais, à cet instant -un heureux instant- la joie d’entendre Alexandre prononcer ces mots avec tant de vérité crue ne l’invitait qu’à se taire et apprécier la seconde, la vivre entièrement.

« … Tu sais, Elsa, -ce qu’elle aimait l’écouter prononcer son prénom avec cet accent si marqué qui montait les mots en arabesque- t’emmener ici, c’est mieux que toutes les phrases; tu peux juger d’ailleurs que j’ai du mal à trouver les mots pour faire ces phrases… Encore que je m’étonne car j’arrive à les sortir à la suite et… Tu me diras si je me trompe, mais cela fait quelque chose de cohérent, non ??? »

Elsa hocha trois fois la tête de haut en bas avec un grand sourire.

« … Ok… Cet endroit, c’est clairement moi mis à nu, c’est ma plénitude, je m’y sens à ma place… Et j’avais envie que tu m’accompagnes, j’avais besoin de voir si, avec toi, c’était toujours là, si je resterais le même, aussi serein… Et oui, je dois l’admettre, oui, il ne m’a pas fallu dix secondes pour savoir cela… Et… Et j’ai tout dit en même temps, je me sens bien en fait, vraiment bien… Avec toi. Ici.

– Moi aussi !… Avec toi. Et ici. »

Le silence revint leur tenir compagnie puisque tout ce qui méritait d’être partagé par la parole l’avait été.

Le vent jouait à flirter avec ses jambes abandonnées au grand vide et pourtant, Elsa ne s’était jamais sentie autant ancrée en elle qu’à cet instant.

Ses poumons semblaient comme sur-développés, s’emplissant et se vidant de grandes bouffées d’air pur vivifiantes, elle sentait son coeur tambouriner dans sa poitrine, ses muscles étaient comme neufs, les douleurs des minutes précédentes avaient disparu, ses plantes de pied semblaient voler dans ses chaussures comme caressées par la brise amicale.

Mais le plus surprenant, c’était que son esprit s’était mis en veilleuse, arrêtant le harcèlement permanent, le flot d’informations continu qui l’agressait d’habitude.

Elle se tourna vers Alexandre qui regardait alentour les yeux grand ouverts, silencieux et comme émerveillé.

Un miroir lui aurait permis de voir qu’elle l’était tout autant que lui. Mais Elsa n’avait pas besoin de miroir, elle savait.

Dans le ciel débarrassé de nuages, des oiseaux tournoyaient comme des troubadours, rendant les hommages à la magie du moment. Les cigales avaient entonné une sérénade subtile, quelques feuilles bruissaient des applaudissements respectueux et le soleil éclairait la scène de son halo lumineux préféré.

La vie se déployait avec une aisance déconcertante autour d’eux.

Elsa gardait les yeux bien ouverts, ne ratait rien du spectacle. Alexandre déposa ses lèvres dans le cou d’Elsa et lui murmura :

« Viens ! »

Sa main glissa lentement le long de son dos pour s’arrêter sur sa hanche où il déposa une caresse. Puis il pivota, posant pieds sur le bloc de granit et se releva pour ensuite lui tendre une main. Elle la saisit, elle ne touchait plus terre. Alexandre l’attira à lui et elle suivit, totalement consentante.

Elle si pondérée, elle que ses amis appelaient Mère Mature, elle ne se reconnaissait pas. Et elle aimait déjà la nouvelle elle.

Juste un sursaut, un doute, la peur de quitter le lieu, comme elle allait poser pied hors de ce sanctuaire. Alexandre eut alors ces mots qui la rassurèrent :

« A chaque fois que je le quitte, je n’ai aucun chagrin car je sais que je le reverrai. »

Oui, aucun nuage à l’horizon. Elsa partit d’un pas léger vers cette nouvelle vie.

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