Ainsi fut éclos à mon ouie
L’histoire peu banale d’une souris
Habile de sa langue comme de son palais
Pour des autres les idées délier.
Souris goûtant les mets servis à chacun
Pouvait, de lui, lire les embruns,
Les tornades qui, en son crâne, sévissaient
Quoique cet autre n’en eût point voulu parler.
Des siens, elle savait tout du mental.
Que Rat, son mari, aimait tant emmental
Qu’il l’eut sacrifié à sa gourmandise
Si, dans un échange, elle put être prise.
Le roi Lion, doutant de ses sujets,
Voulant se prémunir de toute perfidie,
Eut vent du talent de Souris
Et ordonna qu’elle fut devant lui portée.
« Ainsi donc, Madame, vous introspectez
Des gens la tête à dessein !!
-Point trop, mon Roi n’oserais.
C’est un bien dur fardeau que le mien. »
Souris expliqua qu’en chaque plat
A chacun attribué, elle lisait,
Qu’elle pouvait
En blanquette du veau lire son tracas.
Le roi la prit en aparté.
« Vous m’êtes, du ciel, tombé en griffes,
Moi qui, de partout suis complimenté,
Soupçonne que ces dires ne soient guère objectifs.
« Monseigneur, êtes-vous sûr ??? » se défendit-elle !!
Mon don est ma douleur
Ma bouche n’est que désordres et horreurs,
Je n’offre comme cadeau que querelles.
Si le choix m’était donné, Sire,
Je préfèrerais ne pas avoir connu cette infamie.
A trop savoir, on ne retire que dépit.
Oui, je souffre de trop bien lire.
-Qu’à cela ne tienne, vous lirez pour moi !!!
J’ai une noblesse malade
Qui s’évertue à me montrer jolis minois
Alors qu’elle me maudit, m’estourbit de salades.
Sous peine de trépas
Rapide et douloureux, lui conta-t-il,
Souffrance à laquelle il enjoindrait sa famille
Souris, de mauvaise grâce, s’exécuta.
Le premier découvert fut Maître Cerf,
Dans la potée duquel, l’aigreur se trouvait,
Qu’un seigneur des Forêts, devant Lion, dut se courber
Lui pourtant, dans son château, seul maître de quelques pierres.
La duchesse de Taupe qui, toujours à couvert,
Ne manquait pas de moquer le monarque,
Fut trahie par des haricots verts
Qui, de sa félonie, gardaient la marque.
Nombreux passèrent sous la guillotine
De la fourchette d’une souris bien penaude
De ne pouvoir dissimuler leurs fraudes
Sous peine qu’elle ne se plante mortelle épine.
Rassasié de tant de procès menés tambour hurlant,
N’ayant plus âme restante à torturer en l’instant
Le roi au malin se prit à vouloir jouer
Son mets divin intimant à Souris de goûter.
« Vous n’y pensez donc pas mon Roi,
Vous me mettez en posture impossible,
De vos foudres je serai la cible
Car la vérité jamais ne vous satisfera !!
Il insista et elle exposa au Soleil
Son manque de confiance en soi,
De n’avoir pu, en ses sujets, porter foi,
De n’avoir su à leurs émois porter oreille.
Moralité :
la vérité est un mets bien trop précieux pour qu’on le partageât avec égos délicats, orgueils démesurés et confiances galvaudées.
Pour savoir la croiser, il faut à tout être préparé.
L’amour véritable, l’acceptation sont en cela les meilleurs compagnons de voyage que l’on soit le diseur ou l’écoutant.