Une autre légende du Nord-Nord

banqsu

Le Laarr¨d’Flygtuck (le Nord-Nord en langue du Sud) n’avait jamais semblé plus blanc.

Oïyok s’arrêta quelques secondes pour saisir l’instant. La petite Ijdätra et le jeune Pkatroÿ firent de même.

Oïyok ouvrit sa besace, prit le paquet de brindilles qu’il avait soigneusement attaché, le posa au sol et l’alluma, rajouta les copeaux et morceaux de bois qu’ils avaient ramassés en chemin pour que la flamme grandisse.

Il posèrent des couvertures et s’assirent autour du feu; les deux enfants écoutèrent leur père expliquer.

Une ère nouvelle.

Toute pollution avait cessé; finies les extractions de gaz qui entaillaient sa pure patrie, finis les nuages radioactifs remontant du Sud, finies les exactions de touristes en manque de meurtres venant buter du pingouin et de l’ours polaire pour éviter le sevrage sanguinaire, fini le mazoutage des rives par des bateaux pétroliers peu inquiets de salir loin de chez eux.

Fini tout cela.

Ces gens « civilisés » ayant pris soin de s’entre-tuer méthodiquement les uns les autres jusqu’à ce que néant s’en suive.

Un néant salvateur.

Oïyok et sa tribu semblaient destinés à une paix et une tranquillité durables.

Ils avaient suivi l’escalade des évènements de loin; la radio distillait peu d’informations et c’était tant mieux. De toute façon, ils écoutaient la radio de moins en moins et cela n’en était que bénéfique.

« Je ne comprends pas, Papa ! Pourquoi ils font ça, ces gens ? » demanda le pourtant futé Pkatroÿ.

– Je ne comprends pas plus que toi ! » répondit Oïyok.

Eut-il voulu expliquer qu’il en aurait été incapable.

Chacun prétendait avoir raison; d’ailleurs chacun disait avoir ses raisons, de bonnes raisons; et finalement, chacun était convaincu d’avoir raison car il avait ses raisons.

Aux dernières nouvelles, il semblait qu’enfin, ils avaient trouvé terrain d’entente. Dommage que celui-ci ne fut qu’un champ de bataille.

Les anciens racontaient que cela s’était joué à un cheveu, en des temps pas si reculés, quand, à la suite d’un malheur qui avait grandement peiné l’Humanité, une fois de plus, une fois de trop, les consciences avaient bougé.

« Les peuples avaient arrêté de mâchouiller sagement le pain blanc qu’on leur tendait...

Et ? » questionna la maligne Ijdätra.

–  Plus vite qu’un orignal au galop, habitudes et peurs, inquiétudes et craintes furent savamment ré-insufflées afin que, sous les ailes prétendument rassurantes des rapaces, les mouettes ne reviennent se blottir.

– Oh non ! » frémirent les enfants.

 Les trois se turent. Le feu consumait le dernier bout de bois.

Le Laarr¨d’Flygtuck n’avait jamais semblé plus blanc. Le feu était éteint.Ils nettoyèrent le campement et reprirent la route.

« Papa, tu n’as pas fini ton histoire… » glissa Ijdätra.

-Parce qu’elle n’est pas finie, n’est-ce pas ? » rajouta Pkatroÿ « Qu’est-il advenu des mouettes ? »

La légende dit qu’à cet instant, un vol passa en rase-mottes devant eux pour repartir de plus belle vers les cieux infinis.

« Si la lumière est dans ton coeur, tu trouveras le chemin de ta demeure » récita Oïyok.

« Tu crois qu’elles l’ont trouvé ?

– Je crois qu’elles sont en chemin. »

 

 

 

 

 

 

 

10 réflexions sur “Une autre légende du Nord-Nord

  1. « Les peuples avaient arrêté de mâchouiller sagement le pain blanc qu’on leur tendait… »
    Sommes-nous en train d’oublier que le pain se fait avec du levain et qu’il faut que ce levain soit bon pour que le pain le soit !

  2. Je me demandais comment Ikéàpatte allait s’y prendre pour nous faire rire en ces temps de crise. Je le savais ! Grâce au courant d’air fläkbörk (sur commande), il a soufflé sur nous un alizé högstrom (de stock), le meilleur des meilleurs, pour changer la saveur du jour (en option, de différentes couleurs, réf. Vinebjynd). Danke zeer.

  3. Ce Nord Nord ne ferait-il pas pousser le Sud Sud en réaction ?
    Il serait tellement plus souhaitable d’arriver à la tempérance.
    C’est plein de promesse ces deux petites phrases de fin.

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