Pom’ pieds

Tout petit, juste post-graine, arbre écoutait assidument les sages, autour plantés, racontant leurs vies sur (et dans) terre.

Ils partageait comme ceux avant eux leur avaient partagé.

Visitant des humains les années, et de l’univers les saisons, bourgeonnant, fleurissant, faisant éclore leurs récoltes jusqu’à ce qu’elles partent au loin, au bas, les arbres se déclaraient dieux incarnés, nantis d’une responsabilité haute et à tenir.

Arbre se souvient la comptine enseignée :

« Ce lieu t’a été confié !!

Toujours garde ton pourtour sain,

De tes racines, délimite la zone,

Où tu interdiras aux herbes malsaines d’éclore,

Refuse aux champignons de proliférer,

N’accepte la mousse que sur ton flanc le plus humide,

Sève réduite, sais abandonner une récolte à ton profit premier

Car tu es l’alpha de leur destinée,

Sans toi en santé, nul ne naîtra !

Nourris-toi des pluies, Accueille le soleil,

Tiens fort face aux vents ! »

Avait appris et grandi, temps après temps, visitant sa première cueillette comme passage à l’âge adulte.

S’il vit les patriarches céder face aux assauts du temps ou de la hache, s’il subit plusieurs blessures, toujours il se releva, garda torse droit et branches tendues au ciel comme on lui avait inculqué.

Cet automne était donc la poursuite du chemin tracé.

Jusqu’à l’évènement.

Jamais ne lui avait été raconté que telle cavalcade viendrait, car, probablement, jamais encore elle n’était venue.

Pom’ et caillou lui parlèrent d’océan, de mer, d’aller voir ailleurs.

Ils lui dirent « Viens avec nous ! »

L’invitation lui apparut incongrue. Partir.

Il était arbre et un arbre -il récita- « a un lieu qui lui est confié ! » et « une responsabilité haute et à tenir ».

« Je vous aurais bien accomp… »

Il ne finit pas la phrase. En lui fourmillait autre chose.

Oui, ça fourmillait. On ne lui avait jamais enseigné que cela fourmillerait. À part une famille d’écureuil, ou un vent frais… Mais ce n’était pas ça.

Cela fourmillait de plus en plus.

Il s’ébroua machinalement, et une de ses racines déchira la terre endurcie.

Ah voilà quelque chose d’inconnu ! Et toujours ce fourmillement…

Une deuxième racine remua, sortit pareillement de terre.

Les autres s’éveillèrent à l’improbable mouvement, ça ne fourmillait plus, ça convulsait tant et tant qu’arbre se retrouva sur le chemin en l’instant.

Ce chemin que, depuis lustres et décennies, il observait à quelques mètres.

Caillou qui déjà y était allé, dit « La mer, c’est par là ! » Par là, ils allèrent.

Quand ils atteignirent la colline voisine, Arbre vit un paysage qui lui avait toujours été inconnu.

À cet instant, en son écorce, au plus haut de son tronc, juste en dessous de l’entrelac de branches, Arbre esquissa un sourire.

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