Nous avons quitté le jour.
Un jour merveilleux, Septembre en été, soleil comme seul maître, nuages et pluie abonnés à l’absence.
Un jour pour se balader, flâner, faire la course avec les papillons…
Un papillon est bien incapable de tenir la ligne droite. Faire la course avec lui, c’est zigzaguer, virer de bord, rivaliser d’arabesques.
J’ai ondulé à n’en plus pouvoir, il m’a eu au énième virage; je ne l’ai plus revu.
Un jour aux parfums de sable et d’embruns, qui appelle le parasol à se planter sur le bord d’un verre, et taper la causette avec la rondelle de citron.
Jaune comme l’astre qui grille là-haut et autour.
Un jour pour glisser sous les branches, et se servir des feuilles comme paravent pour, un instant, s’allonger. Et rêvasser.
Un jour pour observer. Pas les nuages, eux sont partis loin. Observer l’eau qui ruisselle, caresse les cailloux et s’effondre en une chute pour poursuivre plus loin.
Jusqu’au sable, jusqu’au sel.
Un jour qu’on veut infini, à jouer et rire.
La cloche de l’église a sonné. Il était tôt.
Tous les enfants se sont donnés le mot. Sûrement une grande sortie générale ! Sûrement que tous ont humé ce jour spécial, se sont dit « Profitons ! »
Il risque d’y avoir pénurie de place sous les frondaisons, l’ombre sera recherchée, la rivière envahie d’éclaboussures et ricochets.
Nous convergeons.
Elle porte un sac. « Ton sac » me dit-elle… J’ignorais que j’avais un sac… S’il est à moi, il est sûrement rempli de jouets.
Une grande bâtisse. Les mamans se sont donnés rendez-vous elles aussi.
Étonnant !
Pas qu’elles soient levées tôt. Ah non !! Toujours elles se lèvent tôt.
Comme je me réveille, j’entends les volets s’ouvrir, et l’aspirateur qui ronronne, le chien qui sort en aboyant, le chien qui aboie pour rentrer, le chien qui n’aboie plus.
Le chien ne sait pas ouvrir les portes. C’est Maman qui fait.
La porte de la grande bâtisse s’ouvre.
Aucun chien ne sort.
Est-ce cela qui fait pleurer certains enfants ?
Maman me dit qu’on rentre. C’est nous les chiens aujourd’hui ?
Au revoir Soleil !
L’intérieur n’est pas sombre, il est éclairé mais la lueur vire au blanc cassé.
Tous empruntent un escalier qui descend.
Le chien n’aime pas les escaliers. Faut le voir hésiter. avancer une patte dans le vide, craindre le pire. Enfin… J’imagine qu’il craint le pire.
J’ai fait comme lui, j’ai hésité.
Maman a serré plus fort ma main, a commencé à descendre. Du coup, j’ai suivi.
En bas, une pièce toute jaune. Pas comme un soleil, ni radieuse ni brûlante, mais jaune quand même.
Des cris. Beaucoup de cris. Comme à la rivière mais ça résonne fort.
Des rires, des pleurs, des éclaboussures de peinture, des peluches qui ricochent au sol.
Des bancs, des chaises, un tableau, des enfants qui courent autour et travers pièce.
Pas la fraîcheur des embruns, pas l’odeur du sable.
Pas le calme d’une journée au soleil.
La folie plutôt.
Celle d’un jour de pluie où, vite, je cours, je cours, caché du déluge sous le k-way, ruisselant de sueur autant que d’eau, je cours vite pour me réfugier près d’un chocolat chaud.
Un jour sans soleil.
Cette folie ambiante me bloque plus qu’elle m’invite. Alors, je m’assois.
La chaise est rude, elle n’a pas le duvet d’une herbe non coupée.
Maman me dit « Je te laisse », elle se rassure d’un « À tout à l’heure ».
Petit à petit, les mamans sortent.
Ne reste qu’une grande personne. Une seule pour tout ce monde dans cette pièce jaune.
Petit à petit, ils s’assoient.
Les sons s’étiolent.
Elle est tout de vert vêtue. Elle parle fort. Ils écoutent.
Je m’évade dans la prairie, je retrouve le papillon qui slalome entre les fleurs.
Je rêve d’être papillon.
