Etincelle

transsmongolien

 

Je dévalais le mur de ma page virtuelle quand je m’arrêtai sur cet extrait très court, furtive déclaration d’intérêt synthétisée par deux phrases :

« Dans le train de 16h45, toi, en jeans avec un pull blanc et une écharpe bleue, moi en robe noire avec une veste bleue clair. Nous nous sommes souris. Tu es descendu à Bon-Repaire »

Spotted SNCF avait encore reçu une bouteille à la mer. A savoir si celle-ci s’échouerait dans l’île merveilleuse tant espérée par son autrice.

Je me rappelle, cela me fait toujours autant sourire. Assise à mes côtés, tu te rappelles toi aussi, tu souris également.

Je n’ai plus jamais chassé de ma mémoire la façon dont tu entortillais ce châle jaune autour de tes mains pour faire passer les minutes de ce trajet de début d’hiver.

Je ne t’avais aperçue qu’au bout de quelques minutes, après que la foule ait peu à peu quitté la rame.

Je naviguais entre l’écran de mon portable, le plan affiché au-dessus de la porte et le paysage déformé quand mon regard a été conquis.

Je t’ai fixée, n’ai plus osé après quelques secondes.

Ces cinq mètres, au fur et à mesure que je les évaluais, au fur et à mesure des gares, comme j’espérais clairement que tu ne descendes pas, pas encore, parce que j’avais besoin d’un temps de réflexion pour aborder au mieux la situation, ces cinq mètres auraient nécessité, pour que je les traverse, des bottes de sept lieues tant mes semelles étaient de plomb.

Je ne me suis peut être jamais autant senti ridicule que pendant ces longues minutes, hésitant, emprunté, perclus de doutes. Comment pourrait-elle ? Que faire ? Une aide ?

Celle-ci ne vint pas à temps. Je t’ai regardée descendre, j’ai capté ce que j’ai cru être un regard en ma direction, un sourire à ses côtés mais je ne suis pas descendu.

Le train et moi avons poursuivi notre route en surcharge de quelques kilos de déception.

J’ai d’abord regretté de n’avoir pas porté des couleurs criardes ! Peut-on remarquer un pull beige ? C’en est juste un de plus.

Tu le portes dès les premiers frimas quand tu es à la maison; c’est, tu le dis souvent, ton emergency-pull en cas d’extrême besoin de chaleur.

« Tu jouais de la harpe sur un châle jaune. J’étais pour ma part en panne d’instruments : ma voix, mes jambes n’ont rien pu exprimer. Mon pull beige a-t-il accroché ton regard ? A 17h33, tu es descendue à Quyvelin. »

Je craignais mon message bien trop fébrile pour trouver son chemin sur l’autoroute virtuelle.

Et pourtant, ce châle est bien là, posé sur cette table, à deux mètres de l’ordinateur sur lequel j’écris.

Il est là, il m’a cherché, retrouvé et a eu la présence d’esprit de se garder à ton cou.

Comme quoi un train, qu’il soit de 16h45, de 17h33 ou d’un autre instant, mérite qu’on l’apprécie à sa juste valeur.

Tout autant qu’un train de 13h54.

Le tien est arrivé à cette heure précise et tu as glissé de la rame jusqu’à moi. Je m’en rappelle, tu as glissé. Je ne mens pas, tu te moques peut être en lisant cela mais tu as glissé.

Nous avons bu ce thé dont nous avions parlé, nous avons d’abord parlé de ce thé puis de la coïncidence, de ce que le choix d’une rame peut propager dans une vie, de l’insignifiance d’une décision, de cet instant furtif où jaillit l’étincelle.

Dans les tiens, je ne saurais dire, je ne saurais l’avouer par pudeur…Ce dont je suis sûr, c’est que, dans mes yeux, cette étincelle est née à cet instant. Il était 14h21.

Les volutes de nos deux tasses de thé s’enrubannent. Tu déposes un baiser dans mon cou. Il est 19h01.

 

 

 

11 réflexions sur “Etincelle

  1. Whaou J’adore. Surement parce que les regards qui se croisent dans les rames c’est follement romantique pour moi à la base mais… savoir que le foulard jaune est posé près de l’ordinateur… comment dire… jolie Elipse qui plus est mais trop de questions pour le lecteur : comment vous êtes vous retrouvés ? 🙂

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