Chayotte-Royale : une enquête Bond-issante de Flanagan-Johnson avec de gros ressorts éculés par-derrière les pagodes

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Ils étaient entrés au « Gratin de chayotte » : 14€ chacun avec un bon pour une conso sans alcool 

Le tournoi de tricot fit rage jusqu’à…

Flanagan-Johnson reprit son souffle ! Il se savait observé. Ne surtout pas faiblir ! Jamais !

Les yeux dans le vague, il serra les poings, puisa dans des réserves insoupçonnées, releva une aiguille puis l’autre, tira le fil pour défaire prudemment les mailles ratées, reprit enfin l’ouvrage là où il avait ripé.

Oh-Maley-Maley n’en revint pas, lui qui croyait avoir eu raison du détective par un point de pécheur Jersey venu de chez Le-diable-vauvert (magasin de laine à Champourcy-le-fenouilleux), attaque audacieuse ponctuée par quelques vivas mérités parmi les spectateurs bio autant que balafrés.

Sous l’assaut, oui, c’est vrai, Flanagan avait vacillé, avait tenté de répliquer par une vaine torsade irlandaise galvaudée par le maniement imprécis de la troisième aiguille, flirtant avec le point de pénalité que le juge-arbitre Patch Cath refusa de lui infliger, sûrement cueillie par la mansuétude qu’on éprouve face à une bête blessée.

Revigoré par le cliquètement retrouvé des aiguilles s’emballant entre ses doigts, Flanagan plongea ses yeux dans ceux de l’anglophone, célèbre DRH-en-chef de la bad-guilde-of-Dublin et, sentant le vent tourner, il ferma les yeux, enchaîna les mailles avec une prodigieuse dextérité,  croisant méthode Intarsia et double-diminution devant une assistance médusée !

Flanagan sourit. Il en avait vu de bien pires au Nam.

Là-bas, dans la boue jusqu’au mollet gauche, ballottés par des vents maudits, embrumés par l’alcool et rincés par une mousson glaçante, les hommes, pour tenir, maintenaient des joutes au crochet du matin jusqu’au re-matin, jusqu’à plus laine, tirant sur les bobinettes jusqu’à ce qu’elles cherrassent du copeau de bois, tricotant jusqu’à qu’écharpes s’ensuivent, pour oublier, oui mais aussi pour croire ! Croire qu’un jour, l’espoir serait là ! Un espoir angora, un espoir mohair, l’espoir de la douceur revenue et éternelle. Un rêve fou.

Puis, éreintés, dressings remplis de pulls à cols roulés, de moufles et de chaussettes bariolés, leurs aiguilles se taisaient, des aiguilles que Flanagan entendait parfois encore, surtout le vendredi soir quand la voisine d’en face organisait des sessions fenêtres ouvertes.

Là, les cliquetis portés vers lui le replongeaient dans une transe abrupte et dévastatrice.

Dans le bar louche, on respirait tout aussi difficilement qu’au Nam en Avril, l’air était acre, purulent, nauséabond, amer, acide, pauvre en oligo-éléments, fort en gluten de bas d’étage et on observait, non sans oublier de mettre un mouchoir devant la bouche rapport aux microbes bio ambiants, les deux finalistes jetant leurs ultimes forces, leurs derniers tours dans l’affaire pour clôturer le travail.

O’, comme on l’appelait au sein de la guilde des fans d’abréviations-concises, trembla, lui si sûr jusqu’alors, qui n’avait fait qu’une bouchée des autres concurrents, rivalisant de tricots à plat ou en rond, usant de tricotins pour achever l’adversaire à terre.

O’, comme l’appellait son petit-fils, A’, n’y croyait plus et Flanagan le savait !… Il sentit autre chose ! Une odeur qu’il n’avait pas ressenti depuis… Non ?!!! Il l’avait tant espéré… Cette odeur d’incendie, ce relent de tison, cette essence de plume, ce fumet de fumée, cette fragrance de délit !

Il leva les yeux et vit, subrepticement mais quand même, ça compte même si c’est juste qu’un peu, un plumage qui ne lui était pas inconnu se faufiler entre les gens médusés par l’évolution du duel.

Flanagan se ressaisit ! D’abord gagner le tournoi, empocher la victoire, son poids en pelotes de laine, répondre aux sollicitations des sponsors et puis, il serait temps de courir après le dodo.

Il fit un signe à Ingrid ! Elle valida son impression ! Elle aussi avait senti !

Il était temps de l’estocade pour O’

 

 

Une réflexion sur “Chayotte-Royale : une enquête Bond-issante de Flanagan-Johnson avec de gros ressorts éculés par-derrière les pagodes

  1. Il s’est bien débrouillé, malgré son stress. Son angoisse de quoi, dis? Fait-il une crise de palu? J’aime en tout cas, mais c’est le gratin qui crame? Viiiiiiiiiiiiite il faut aller voiiiiiiiiiiiiir 😉

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