Une flammèche de soleil transperça les nuages trouble-fête et vint réchauffer sa nuque.
Juliette fut tirée de la transe dans laquelle elle s’était lovée.
Les yeux toujours clos, elle reposa doucement pied dans la réalité, s’éveillant à cette chaleur qui s’insinuait en elle; ses épaules tressaillirent à l’impact et le frisson coursa ses bras jusqu’à atteindre les mains posées l’une sur l’autre sur ses cuisses.
C’est à cet instant, en reconnectant la rude fraîcheur de la pierre sur laquelle elle était assise, qu’elle comprit où elle était : au bord de la fontaine.
L’onde ne s’attarda pas, dériva le long de ses jambes, glissant des genoux jusqu’aux mollets en un éclair pour atterrir sur ses pieds déchaussés.
La plante posée au sol sursauta, les doigts de pied se tordirent, feignant d’agripper le bitume comme pour rallier l’instant présent.
Fuite en avant. Le souffle chaud ricocha, remonta jusqu’à son bassin puis revint, plus haut, à la brûlure qu’elle avait ressentie… Elle ne savait trop quand… Quelques instants plus tôt… Avant que tout se brouille, qu’elle ne s’efface.
Le corps dés-ensommeillé affirmait que le brasier était toujours là, dans ses bronches incendiées d’un feu qu’elle avait tenté d’éteindre par de grandes respirations.
Afin de mieux se concentrer,elle avait fermé les yeux et, bercée par le souffle se fluidifiant, chaque seconde plus ténu, ralenti à l’extrême, focalisée sur lui, elle avait sombré petit à petit.
Les bruits tout autour l’avaient maintenue un moment à demi-consciente, notamment ceux des marchands rangeant sans délicatesse leurs étals, il y avait ces voix montantes et descendantes singeant des au-revoirs, puis les pas qui allaient et venaient, s’espacèrent et disparurent suivis de moteurs s’ébrouant avant de s’éloigner.
Accalmie courte. Le village se réappropria les quartiers enfin rendus, bruissant comme d’accoutumée d’oiseaux s’interpellant et s’envolant, de portes grinçantes qui claquaient; un chien rouspéteur répondit à un autre; ce ballet offrait parfois parole au silence, quelques secondes, un instant seulement, avant de revenir à ce flot incessant rythmé par l’infatigable ruissellement de la fontaine.
Juliette s’éloignait petit à petit, au fil d’expirations et d’inspirations déclinantes.
Jusqu’à disparaître un temps imprécis.
Revenue du songe, son torse et cette cicatrice palpitante en son sein la guidaient peu à peu hors du néant.
Elle rechigna, une part d’elle avait tellement goûté l’oubli. Elle conserva les yeux clos.
Une brise, d’un délicat rapproché, raviva une étincelle en elle : on venait ? On était là ? Elle le sentait… Alexandre ? Sûrement Alexandre.
Elle huma l’air, pensa capter les odeurs. Ainsi, elle saurait sans regarder. Elle dût bien se rendre à l’évidence que l’interlude s’achevait car elle ne sentit rien ou si peu.
Ses sens s’effilochant, elle n’avait d’autre choix que de rejoindre la surface.
Au fur et à mesure de l’ascension, le volume sonore du filet d’eau montait et les oiseaux versaient dans une cacophonie regrettable. Les bruits auparavant harmonieux s’accidentaient. Quitter tant de maladresse.
Elle posa une inspiration plus marquée, savoura l’expiration suivante longuement, nota que la brûlure était moins vive.
Les pensées accostèrent aimablement : La lettre d’Hervé, sa décision, une saine décision !… la libération ressentie juste après.
Un sourire, un regain d’envie. Croquer, mordre cette vie. Juliette ouvrit les yeux.
Ses amis étaient là.
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J’ai rattrapé mon retard ! Je ne suis pas sûre que cela soit malin. Il va de nouveau falloir attendre pour lire la suite. 😦
C’est un beau chapitre, une finesse dans les mots pour décrire les états d’âme de Juliette « au fil d’expirations et d’inspirations déclinantes ».
Merci pour le moment de lecture très apprécié.
Merci Laurence !! Tous tes jolis commentaires me touchent !… Il est vrai qu’au rythme saccadé auquel j’avance, on ne peut prévoir quand viendra la suite. Elle viendra, c’est sûr ! Merci à toi !
J’aime bien cette dernière image: croquer la vie et ouvrir les yeux
on goûte également du regard ! Merci beaucoup !