Le songe d’une nuit d’étau !

etau-etabli-atelier

Une fin n’étant qu’un recommencement…

Le périmètre de sécurité englobait les quatre maisons jouxtant l’atelier ainsi que les bois environnants.

Des limiers avaient été déployés pour sonder d’éventuelles pistes encore fraîches et leurs aboiements excités rythmaient les ultimes secondes d’une après-midi vendant son âme au crépuscule.

Le vent froid avait évaporé les degrés et fait fuir nombre des curieux agglutinés derrière les voitures de police.

Le lieutenant Matthews, chef-adjoint-adjoint du district et le Sergent-chef-chef Stevens, le coroner de la communauté des communes accueillirent Flanagan-Johnson.

« Merci d’être venu si vite ! C’est…

– Ne versez pas dans le sentimentalisme, Matthews ! Où est la scène de crime ?

– Dans l’atelier !… C’est le majordome qui a découvert le corps en venant chercher un rabot…

– Un rabot ?… Pour quoi en avait-il besoin ?…

– Pour la porte de la troisième chambre à gauche qui coulissait mal !… D’ailleurs, fait peut être relié, le rabot de 12 a disparu…

– Du coup, la porte coulisse toujours aussi mal ?

– Hélas oui !

– P… de B… de M… !! »

Un rabot de 12 disparu. Ce genre de rabot n’était pas courant… On ne pouvait l’utiliser que pour… Non ! Flanagan-Johnson n’osa croire ce à quoi il venait de penser…

« Le corps est-il couvert ?

Stevens : « Non ! j’ai attendu que vous arriviez avant de toucher quoi que ce s…

– C’est que… Je viens de manger un Bretzekuche aux myrtilles et… Je sais pas si…

– Bon, attendez là, je vais le cacher…

– Merci Stevens ! »

Autour d’eux, les faisceaux des lampes-torches serpentaient dans les frondaisons des conifères envahis par la pénombre.

Une rafale glaciale gifla leurs visages et, comme Matthews allait remonter son col, Flanagan saisit sa main :

« N’en faites rien ! Il ne faut pas montrer aux hommes que nous sommes faibles, sans quoi ils perdront espoir ! »

Matthews regarda circulairement; les hommes s’étaient arrêtés, les yeux rivés sur lui et, quand il relâcha la fermeture de son blouson, tous reprirent leur travail avec plus d’ardeur encore.

Quelques secondes de silence puis :  » Bon… Et sinon, comment allez-vous, Matthews ?

– Boh, vous savez… Le train-train… Je viens de débuter des cours de tango… C’est chouette mais c’est dur et… »

Stevens revint et, d’un clin d’œil complice : « La voie est libre ! »

Flanagan-Johnson rentra à sa suite.

L’odeur âcre de copeaux de six heures lui indiqua que le meurtre était encore frais. La lumière blafarde du soleil couchant se réverbérait dans la neige alentour renvoyant dans la pièce faiblement éclairée une atmosphère de veillée mortuaire… Ce qui, pour l’occasion, était fort à propos.

Il y avait eu lutte… Ou le menuisier était juste un Jean-foutre qui tenait son lieu de travail en peu d’estime pour le laisser aussi désordonné.

« Ne touchez à rien sans que je vous en intime l’ordre. »

Les deux autres restèrent immobiles sur le seuil pendant que Flanagan avançait à pas lents, rejouant la scène.

Sur l’établi, des outils, un tube de colle ouvert qui avait vidé une partie de son contenu sur le chapeau pointu rouge d’une marionnette à moitié assemblée mais clairement pas terminée à en juger par son nez bien long.

Sortant de ses pensées, Flanagan asséna, sûr de lui : « On a frappé à la porte… Ou alors juste tapoté la chevillette… Ou clapoté dans le ruisseau adjacent… Il est venu, a ouvert… Il connaissait son ou ses agresseurs, on voit qu’il les a laissés rentrer… Pas de traces d’effraction… Et c’est là !… » Flanagan pointait un emplacement au hasard deux mètres plus loin pour ajouter un côté nerveux à son monologue : « C’est là qu’il y a eu lutte. Il a tenté de se saisir d’un tournevis cruciforme de 6 mais… Il fut empêché… La lutte fut vaine, les coups portés furent fatals. »

Flanagan se tenait devant le corps.

« De quoi est-il mort ?

– Hélas, c’est confus ! Il semble qu’il ait été multi-assailli…

– Un multi-assaillage, je m’en doutais !

– Il y a clairement eu strangulation  à l’aide de ça ! » Stevens montra un noeud coulant fait avec un fil provenant clairement d’une pelote de laine écru 13 millimètres. « Ensuite, il a été lapidé !… Vous voyez ces marques ? » Il souleva le drap. « Seul du Grès de Saint-Médard peut faire de telles marques !… Et celle-ci ?… Il n’y a que les troupes d’élite  de l’Emp… Pardon !! Seul du schiste peut en être responsable ! Notre vulcano-autopsiste en chef-chef est formel !

– Formel, je ne saurais dire… Guindé à la limite… » Un silence.

« Eh bien !

– Ce n’est pas fini ! » intervint Matthews qui n’avait pas eu de texte depuis trop longtemps. « Stevens…

– Oui ! Je suis interloqué… Vous voyez ces bleus-turquoise -ou onde-marine peut être ?- le long des côtes ?… Il a été battu à coup de palme jusqu’à casser… Une… Deux… » Crack !… « Maintenant, trois côtes !

– Matthews ! » lança aussitôt Flanagan. « Le temps presse ! Avez-vous bloqué toutes les axes de circulation ?

– Oui ! Nous avons été aidés en cela par les manifs de grévistes qui nous ont apporté leur logistique et tabassent les automobilistes qui ne veulent pas coopérer…

– Faites également surveiller les fleuves !

– Ok ! » Matthews sortit en courant.

 » Une idée de qui a fait ça, Flanagan ?

– Une intuition… Même si je ne comprends pas une chose…

– Quoi donc ? »

Sirènes hurlantes à l’extérieur, lumières de girophares fendant l’air. La traque serait sans merci.

Flanagan n’échouerait pas. Pas encore. Et cette question incendia ses lèvres : « Pourquoi n’a-t-il pas mis le feu ? D’habitude, il brûle tout derrière lui ! »

 

6 réflexions sur “Le songe d’une nuit d’étau !

  1. Accusé coupable, qui casse trois côtes à la saint Médard rend Flanagan pas trop peinard… Voilà-t-y pas qu’il a du boulot celui-là. Quelle b’enquête ! (Contraction de B….. et d’enquête)
    Il fait rien comme d’habitude le pyromane pré-supposé incendiaire avec preuves historiques à l’appui.
    Polar fleuve ceci devient.

  2. Ahhhhhhhhhhhhh, je soupire d’aise ! Il revient Flanagan-Jonhson, du côté clairvoyant de la farce, heu, de la force. Il me manquait à périr et surtout ses enquêtes si pertinentes à faire pâlir un Sibelius qui ne lui arrive pas à la hauteur du petit orteil du pied gauche et je ne parle pas du droit. Moi, j’en redemande, encore et encore ! Serait-ce un coup du serial fouteur de feu de Dodo ? Quant au rabot de 12 dans le songe d’une nuit d’étau, ça fout les chocottes puissance 23 et demie. C’est dire.

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