» Tu es sûre que tu ne veux pas t’approcher plus ? C’est d’ici que la vue vaut le détour ! »
Alexandre s’était assis sur le rocher, les pieds dans le vide, trois ou quatre cent mètres à pic sous lui, avec la dextérité que l’habitude lui procurait.
Juliette avait d’abord dit « Non ! Hors de question ! », s’était trouvée bête, tentait de se convaincre que « Pourquoi pas ! Allez ! » pendant que son cerveau reptilien invitait ses jambes à bloquer toute vélléité de s’engager sur la pierre.
« Et tu es sûr que c’est sans danger ? Elle va tenir ?
– Je ne sais pas ! Tu pèses combien ? »
Elle lui répondit des sourcils et enleva les mains qu’elle avait commencé à poser en appui.
» Pardon ! Je suis indélicat ! » Et il sourit. « Promis, elle est bien arrimée à la montagne depuis quelques millénaires et survivra à nous deux dessus… Le spectacle vaut l’acrobatie. Tu viens à quatre pattes, tu n’as pas forcément à t’asseoir comme moi mais juste regarder d’ici cette vallée offerte. Tu dois venir !
– Oui mais…
– Mademoiselle Bladine ! Voulez-vous bien…
– J’ai passé l’âge de me faire gronder, tu sais !
– Je sais ! Ce ton marchait quand nous étions jeunes ! J’ai perdu toute autorité sur toi depuis que…
– … Depuis qu’on a décidé d’être adultes !
– Cela ne sert à rien d’être adulte quand l’autre n’y arrive pas, tu ne crois pas ? »
Sourire pincé.
» Alexandre, je crois qu’on a tous nos raisons pour ne pas vouloir l’être !… Là, ma raison, c’est que je n’ai que 28 ans et que mourir d’une chute de trois cent mètres à quatre pattes frise le ridicule !
– Je vois les journaux : « Morte d’avoir refusé son homo-erectusité ! »
– « Son signe astro chinois n’était pas le chat, atterrissage non maîtrisé, elle s’écrase la bouche grande ouverte et meurt étouffée dans un bosquet de chardons »
– Témoignage sur le drame « Juliette a rippé du genou gauche et ses derniers mots ont été « Espèce de connard, je t’avais prévenu… »
– Cela ne ferait même pas les premiers titres dans le canard du coin !
– Ben non !… Et donc !
– Si je viens, on en parle ?
– …
– Hein ?
– Si tu viens, on en parle ! »
Juliette reposa une main puis l’autre, s’avança en maugréant sur l’amitié, faisant glisser un genou puis l’autre, par tout petits à-coups, jusqu’à arriver à côté d’Alexandre :
» Et je fais quoi maintenant ?
– Soit tu fais comme moi, le grand saut dans le vide soit tu restes là en tailleur !
– En tailleur, c’est bien « Et elle se redressa.
La vallée s’étirait sous eux dans une nuée verte bordée par les flancs des montagnes de part et d’autre, au milieu serpentait une rivière paisible. En contrebas, hors de leur vue, un roulement sourd laissait deviner une cascade qui irriguait cette rivière.
« Oui, je comprends ce que tu voulais dire, c’est…
– Oui, c’est juste parfait !… Que crois-tu que je devrais faire ?
– Si Elsa compte pour toi, me déposer chez toi et aller la voir !
– Tu me donnes l’avis d’une femme donc ? Toi, tu aimerais qu’il vienne te voir alors que tu lui as dit que tu avais besoin d’espace ?
– On est compliquées, tu sais !
– Je n’aurais pas dit « compliquées »…
– Sache que, quoi que tu fasses, ça n’ira peut être pas !
– Ok, je vois… Et donc ?
– Donc, fais ce dont tu as envie, ce que tu juges le mieux ! Qu’est-ce que tu risques ?
– …
– Et tu as envie d’être avec elle, tu me l’as dit ! »
Il haussa les épaules. « Oui ! Bien sûr !
– Alors ! Comme disait Magic System « Faut bouger bouger ! »
– Et tu me sors ça à ce moment-là ?
– Et tu veux quoi ? Faire comme moi, pleurer un amour des mois parce que tu as trop d’ego pour aller vers l’autre chercher la réponse une bonne fois pour toutes ?
– J’ai peur surtout !
– Regarde ! J’avais peur moi aussi et je suis là !
– Oui !… Qui êtes-vous ? Vous n’êtes pas Juliette !
– J’ai toujours été bonne pour donner les conseils que je n’applique pas… Et à l’attendre, je n’ai gagné que de la souffrance !… Donc…
– … Donc ?
– Fais ça à l’australopithèque !
– Les femmes adorent ça, l’australopithèque !
– Mais on aime bien la douceur aussi !
– …
– On est compliquées ! Faut juste que tu trouves ta « compliquée » à toi !
– Je pense l’avoir trouvée !
– Alors… »
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Certes, je prends l’histoire un peu en cours mais j’aime bien la manière dont tu décris la montagne.
Merci !!!
tu connais donc la montagne , on croirait être chez moi …avec ta description …habites tu dans les Pyrénées ?
Oui, les Pyrénées sont mon écrin