Les trois jours de nos vies – scène 3

Alexandre avait vaqué à ses occupations, le printemps réveillait doucement la Nature et son travail avec.
Il était allé le lundi faire un premier repérage dans le massif du Néouvielle, l’Hiver avait été doux sur la fin et Faune et Flore accéléraient le mouvement depuis deux semaines.
On sentait une douce fraîcheur poindre, comme une renaissance, les chênes devenaient feuillus et Alexandre avait vu quelques hêtres plus qu’avancés sur leur tableau de marche pour une mi-Avril.
Cet appel de sève rejaillissait instinctivement sur lui, Avril était toujours un coup de fouet salvateur.

Il avait appelé des amis, proposé un apéro pour revoir Juliette, n’avait pas obtenu de réponses claires, tout le monde semblait encore frigorifié dans les habitudes cocooning des mois passés, il avait insisté un peu puis plus du tout.
Tant pis. Et peut être tant mieux.
Juliette venait se reposer, se ressourcer, elle apprécierait sûrement d’être en petit comité, sans grande fiesta.
Oui, voilà, Juliette venait se reposer. C’était la ligne officielle du parti.
Elle en avait besoin, il lui avait proposé, c’était normal, sans ambiguïtés.
Et puis, de toute façon, il n’y en avait jamais eu entre eux. Jamais ils n’avaient douté de cela alors qu’ils avaient passé trois années quasiment toujours ensemble.
Ils avaient beaucoup ri. Et travaillé aussi. Et leurs séances de travail leur avaient valu de grandes crises de fous-rires.
Oui, c’était une belle amitié. Un lien spécial.
Aucune ambiguïté là-dessous. Aucune.

D’ailleurs, cela ne gênait nullement Elsa, c’était un signe.
Alexandre alla nager le mardi et le jeudi comme il le faisait aussi souvent qu’il en avait envie.
Février et Mars avaient peu attisé ces braises-là en lui mais le Printemps sonnait apparemment l’heure de la fin de la récré.
Un peu de sport lui ferait du bien, il s’était trouvé vite essoufflé ce lundi dans une grimpette honnête sans plus.

Vint le vendredi et, vers dix-huit heures trente, un sms « Je suis dans le train. Retard comme toujours. Normalement arrivée vers Minuit quarante-cinq. Désolée » … Et un smiley. Mais, comme Alexandre avait un vieux portable, ça ressemblait plutôt à /;-.
/;- ne lui évoqua rien, il imagina un sourire.
Celui de Juliette.
Il s’était peut être posé la question une ou deux fois.

Ces deux fois-là, il s’était demandé, en voyant Juliette lui sourire, ce qu’il y avait derrière ce sourire. Voulait-elle lui dire un peu plus ?
Faute d’avoir osé demander -et pourquoi aurait-il demandé ?- ou d’avoir seulement évoqué le sujet, la réponse était restée inexplorée.
Alexandre était fataliste, c’était une qualité que Juliette lui avait toujours envié ; il répétait à l’envie, au risque d’agacer son interlocuteur -et ce qu’il avait pu énerver Juliette sur ce sujet- que «…Si cela ne se faisait pas, c’est que cela ne devait pas être.»
Philosophie de vie ou tactique de l’évitement fort adroite, Alexandre balaya la réponse vite fait.
« Vous allez rentrer très tard ! Fit remarquer Elsa.
– C’est sans solution. Seul André aurait pu la loger sur Toulouse mais il a sa belle-famille. Ne t’en fais pas, je serai prudent. On sera là au plus tard à deux heures trente.
– Oui, oui, bien sûr… »

Elsa et ses pointillés chéris.
Elsa était un roman gorgé de ponctuations, un de ces livres qu’on parcourt en appréciant l’instant mais dont on ignore ce dont la prochaine page sera faite, une surprise à chaque étage.
Jusqu’alors, La majorité des surprises avait été fort agréable.
Elsa, c’était aussi un sourire. Un peu énigmatique, de ceux qui vous aident à rester en alerte.
Leur amour était clair, sans taches que l’on puisse relever, ils parlaient, savaient se dire les choses. Souvent.
Et, parfois venaient les pointillés.
Alexandre la prit dans ses bras et l’embrassa sur le front.
Elsa et ses cheveux qui sentaient si bon.
« Je serai prudent. Je t’appellerai en arrivant là-bas. Et tu vas adorer Juliette.
– Surement…
– Oui. Assurément. »
Et il l’embrassa sur la bouche.

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