Au contact d’une plume…

… Cet encrier avait écrit ses plus belles lettres, versant à chaque fois et de son sang noir la plus vraie de ses vérités à chaque détour de phrase, au hasard d’une ponctuation, exprimant le plus profond de son être jusqu’à ce que point final s’ensuive.

De leur liaison étaient nés plusieurs textes majuscules frôlant, à son goût d’érudit, le mot « chef d’oeuvre » si tant est qu’on puisse un jour culminer en de telles hauteurs.

Lui le pensait.

Son expérience, toutes ces longues soirées, ces matinées à même l’aurore, ces journées passées en compagnie de l’auteur et de cette plume à partager des créations, des folies de l’instant, une étincelle allumée sans raison qui les mènerait loin, loin dans l’imaginaire, tous ces moments de communion comme ceux où le vide intersidéral, la feuille blanche semblaient vouloir se mettre entre eux, les rapprochant plus encore, chacune de ces émotions vécues ensemble l’avait rempli plus qu’elles toutes n’auraient jamais pu le vider.

Encrier avait l’inestimable chance d’avoir rapidement su quel destin lui était proposé.

Cela vous simplifie la vie d’y voir clair.

Et lui avait été frappé, dès le premier jour, quand ce jeune enfant avait découvert l’ustensile, avait lui même versé la première encre à l’intérieur et s’était mis à tenter de reproduire fiévreusement la lettre écrite au tableau.

Les premiers pas furent maladroits, empruntés, la ligne difficilement suivie, le style hésitant mais aucune impatience ne vint, notre encrier restant fidèle au poste, à l’écoute de ce jeune et futur prodige à qui il se voulait dévoué, pour qui il vibrait.

Vint la confiance en les gestes, les lignes répétées inlassablement, les « a » assurés, les « b » confiants, les « c » affirmés, un « d » filant vers le ciel, des « e » roulés dans une aisance déconcertante… Et ainsi de suite jusqu’à un « z » héroïque mettant sa touche spéciale et finale à l’oeuvre.

Vint le moment de les faire tous se rencontrer, se mélanger et, lui,  d’apprivoiser leurs liaisons, le tumulte des sons provoqués, jusqu’à saisir la force que chacun des mots composés portait en lui.

Encrier, au premier plan de ce voyage, assista et collabora à la montée en puissance.

L’enfant devint jeune garçon, trouvant plus de sentiments à coucher sur la feuille, cherchant des tournures en tournant autour du pot comme il se cherchait lui-même.

L’adolescence leur offrit plus de révolte, l’envie de crier plutôt que susurrer les textes, celle de ranger plus souvent plume et encrier au placard pour aller vers d’autres modes d’expression.

Ce temps fut difficile pour eux, mais quand une conviction reste, même tapie au fond, elle sait creuser sa voie lentement et sûrement et, le jour où le jeune homme reposa les armes, enfin vidé de sa colère, il ressentit l’envie de retrouver ses deux compagnons de toujours.

Et quelles retrouvailles ce furent !!! D’une joie contenue mais certaine mais qu’ils surent transcender par une inspiration débordante, imaginant d’improbables aventures auxquelles ils donnèrent tous trois corps en une aisance fascinante.

On n’aurait su dire qui, des trois, écrivait, imaginait ou fournissait l’essence au texte, ce n’était rien de plus que trois amis de longue date qui se retrouvaient enfin, changés mais pourtant toujours les mêmes.

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