Comme si la source était tarie.
Comme si l’aridité des sentiments avait grignoté peu à peu ce terrain jusqu’à assécher ses larmes.
Il n’en était rien pourtant.
Son cœur battait, frémissait, s’emballait encore comme avant, son âme vibrait, tremblait, écopait toujours autant.
Et parfois, lorsque toute soupape était inefficace, lorsque cette sourde et brutale mélancolie l’envahissait, lorsque la tristesse accaparait tout son esprit, il se sentait partir.
Son regard s’embuait, il semblait lâcher prise, ne pas résister à cette vague douloureuse mais…
Rien !!! Les flots ne venaient plus.
Quelques larmes pointaient mais cela sonnait faux.
Etrangement faux.
C’était comme… « Inapproprié » aurait-il dit… Ou « Incongru », « Inadapté ».
D’une autre époque, de ses jeunes années, quand il était une pleureuse, une vraie, constamment à fleur de peau, touché-renversé par le moindre petit élément contraire, se sentant sans défense, livré corps et âme au moindre tourment de passage.
Cette fébrilité l’a fait souffrir.
Autant sinon bien plus que toutes les remarques, les moqueries que sa fragilité pouvait susciter. Oui, clairement plus !!!
Il vivait comme à découvert, sans protections, laissant trop de gens, de mots, de gestes le blesser.
Il a dit stop à ça et s’est cadenassé loin de ce tumulte.
Il pensait pouvoir éteindre cela mais la brique, le béton ne sont pas des solutions, ils n’arrêtent pas ce frisson.
C’est une partie inaliénable de ce qu’il est, une part de lui qu’il vaudrait mieux apprendre à domestiquer et parvenir à se faire la plus fidèle alliée.
Il s’en rend compte maintenant.
Maintenant il a compris.
Compris le bien que pleurer lui prodiguait auparavant, que c’était là son exutoire, que ses larmes le débarrassaient de ses douleurs, qu’elles le lavaient de ses blessures.
Mais il n’y arrive plus, il se sent comme enfermé dans un rôle d’adulte, un rôle d’homme.
Être fort, solide, dur, résister sont des rappels à l’ordre qui étouffent un peu plus l’enfant en lui, comme si le répit, à aucun moment de sa vie ne devait exister, comme si sa différence n’avait pas de place en aucun lieu, qu’elle ne pouvait provoquer qu’incompréhensions et rejet…
Sa lutte n’était-elle pas qu’intérieure ??? Qu’avait-il à prouver à ses semblables ???… Peut être sa différence, peut être sa propre humanité ???…
Peut être…
Il resta là. Rien ne vint. Rien.
Aujourd’hui ne devait pas être le jour pour comprendre. Demain alors…