Georges a trouvé un poste pour les fêtes, il est lutin lecteur de lettre pour le Père Noël.
Très prisé le Père Noël… Que de lettres d’admirateurs et trices… Et votre serviteur en est à sa millième d’affilée… Millième lettre s’entend !!!
Quel manque d’originalité dans tous ces écrits !!! Que de personnes exigeantes et quémandeuses :
« Je veux ci !!!! J’attends ça !!!!! Il me faut…!!!! J’y compte !!!! Te trompe pas !!!!… Page 524 en bas à gauche… J’ai imprimé le code-barre… Il reste à cette heure-ci encore 10000 modèles dispos en pré-commande… Pas d’excuses cette fois-ci… Pas de E-Bay !!!! Gare à toi, on sait où tu habites… »
Ben vi… L’adresse sur la lettre : « 3bis rue du Pôle Nord, Pôle Nord ».
Un endroit très sympa… Très tendance le blanc pour Mr Santa… Mais proprette la maison, pas celle d’un célibataire et, là je rassure tous les mâles terriens et autres, cela confirme l’hypothèse Mère Noël !!!!
Par contre, difficilement abordable pour le coup notre blanc barbu. Trop de gardes du corps… Pas des lutins de Garenne ceux-là !!!! Du mastoc, du solide, du massif… Pas du genre à porter des chaussures vertes à pompom…
Le hic est là !!! Boulot sympa, ambiance limite de fête quoique le rythme est effréné… Somme toute bien… Mais la tunique de boulot… Tu es tout de suite repéré en sortant du travail dans le métro… Et vas-y que tu en entends du « Où t’as mis tes oreilles, Frodon ??? » ou du « Il est gentil le grinch ??? »
Le métropolitain a l’humour sectaire et nocif… Surtout pour un lutin tout droit sorti émoulu d’un monde merveilleux !!!
Aaaaah ce Monde merveilleux !!!!
Pas de compostage là-bas, ta carde d’identité, c’est ton sourire, ton argent, ce sont des pas de danse…
A chaque fois que je vais acheter le pain du soir, je me retrouve dans un remake de la pub du Trèfle à 4 feuilles.
« Bien sûr !!! Emballe-la sinon ça met des miettes !!!! »
Donc, le vert, très peu pour moi. Les oreilles triangulaires passent encore. Je gère. C’est un emploi temporaire.
Oh non, je n’ai pas prévu de persévérer ici. Le travail, comme je vous le disais, est dur.
On se doit de traiter au mieux les demandes, d’exaucer moult exagérations et idées de grandeur cado-istique…
Et répondre…
Exemple de lettre-type :
« Youpla !!! Cher délicieux bambin, ton super-brontosaurus étant momentanément en rupture, ta lettre nous étant parvenue dans des délais inférieurs aux 10 jours explicitement exigés dans notre formulaire d’adhésion au « moment mirifique de l’embobinage médiatico-Santa-Clausien », nous le remplaçons par un Stégo-monstro-saurus qui a, je cite car je n’y comprends queud, « autant de points-pouvoirs PH++ » et « deux fois ++ de méga-combo-revitalisantes potions »…
Nous te souhaitons un combat victorieux dans l’arène des damnés !!!
(en p’tit, en pointillés, la direction se désengage de toute infirmité surtout mentale survenue lors d’un usage trop intensif de ce joujou « par-milliers » ) »
Monde impitoyable que Joujou-Land, où règne despotisme du bonheur.
Ah il est loin le temps où je jouais, enfant, dans la boue, sous la pluie, la nuit car le jour, je travaillais aux champs. Les cailloux étaient mes amis de jeu. Je leur offrais à chacun une destinée autre que purement minérale : l’un était la voiture dernier cri, l’autre un éléphant d’afrique, le troisième… Oui, je radote… En des périodes telles que ces fêtes, il fait bon remuer-shaker des sentiments nobles et des souvenirs de douce enfance.
Aujourd’hui ; c’est le dernier jour. Ils sont tous au pot de départ. On lui a offert un nouveau traîneau. Et il nous a dit que le boulot, le boulot, c’est bien mais bon… 15 Rennes à nourrir toute l’année pour seulement quelques heures de travail… Avec les contrôles actuels, il ne peut se permettre de les faire voler plus de 4 heures d’affilée chacun. D’où des pauses de 15 minutes. Et au prix du sabot neuf… Il n’est pas sûr de pouvoir continuer longtemps… Il voudrait, comme pour les soldes, qu’il y ait deux dates dans l’année pour pouvoir rentabiliser au mieux, faire quelques travaux…
Ce n’est pas bien grave, c’est le spleen de fin de campagne, ça lui fait ça à chaque fois. Et puis, quand revient le début de l’Hiver, que le givre accompagne la ronde des sapins vers les villes, que les lumières deviennent plus nombreuses, plus vives, que les cœurs reprennent une dose de baume après avoir subi les premiers frimas, sa foi revient… Chaque année.
J’erre dans l’usine vide où papiers-cadeaux et autres nœuds emberlificotés jonchent le sol comme abandonnés loin de leur destinée initiale, sensés qu’ils étaient devoir éclairer et faire briller des pupilles par milliers. Et des iris aussi…
Mes collègues vont tous repartir vers leur boulot du quotidien qui à Fort Boyard qui à Disneyland qui à Bricorama… Il y a des destins moins glorieux que d’autres mais peu importe !!!
Moi, je vais retourner à ma vie de grand, content d’avoir pu revoir le Monde de pas trop haut encore une fois.
C’est assurément une chance, les flocons de neige y ont un goût bien plus sucré. Une fois grand, on n’y voit que dégivrage du pare-brise.