Le pot de moutarde

C’est tout basique un pot de moutarde.

Un pot comme un autre. Avec un couvercle. On le tourne dans le sens inverse des aiguilles d’une montre pour l’ouvrir.

Ca n’a rien d’exceptionnel, un pot de moutarde, ça ne truste pas les premières places, la Une des journaux, la tête de gondole du magasin.

Oui mais…

Elle est rentrée dans son magasin pour ça.

Un pot De moutarde.

C’eût pu être un pot de n’importe quoi que ça n’eût rien changé à l’Histoire.

Ici, la moutarde prend toute sa saveur.

Sans envie de moutarde, point d’envie de rentrer.

Ils seraient passés à deux mètres l’un de l’autre sans que…

Et puis, il y eût les gâteaux apéritifs.

Ah les gâteaux apéritifs !! Un sujet de conversation.

Fallait-il les emmoutarder pour en obtenir substantifique moelle ??? Le débat fut doux, la discussion fut.

S’il ne pouvait en exister qu’une, ce devait être celle-là cette après-midi.

Aussi futile qu’elle puisse paraître au commun des mortels même les plus grands adorateurs de ces séances toutes d’anis vouées au plaisir auxquelles on convie ces friandises salées.

Point de poésie, de poème ou de prose qui n’aient jamais porté aux nues une galette de fromage nappée, un crouton tout d’ail embaumé… Peut être le devrait-on.

Peut être lui le fera. L’occasion lui sera ainsi donnée de faire le larron.

Ce p’tit sachet de rien du tout fut la rencontre de leurs sourires, un prétexte heureusement apparu pour créer une fine connexion.

Légère la connexion. Rapide. Subtile. Douce… Intéressante.

De quoi peuvent être faites les choses !!! Toute la beauté des sentiments se joue là, dans cette part d’inexpliqué, d’improbable, dans cette futilité de la raison.

Cette futilité contrebalancée si aisément par l’intensité, la violence, la profondeur des sentiments qu’on éprouve par la suite.

La suite qui, parfois, nous éprouve.

Parfois, cela se finit comme ça a commencé. Sans raison apparente, inexorablement, indépendamment de nous, de notre action.

Cette sensation de subir avant et après, cette agréable sensation de jouer son rôle pendant.

« Jouer » n’est pas le terme. « Tenir » son rôle serait mieux.

Plus adéquat.

A ceux qui n’arriveront pas à être acteur dans ce laps de temps donné où les planches vous appellent, où le projecteur vous poursuit, il n’apparaîtra que l’impression d’être spectateur.

Spectateur de leur vie et de ces moments de leur vie si primordiaux, ceux qui conditionnent sûrement tout le reste, ceux qui peuvent faire s’emboîter les pièces, ceux qui peuvent huiler les rouages.

Eux perdent quelque chose. Dans la peur de l’après, ils en oublient de s’abandonner au présent. De le vivre surtout.

Demain, on sait que le soleil se lèvera. Mais on ne sait pas pour quoi, pour qui, comment.

L’Epicurie, si elle n’a pas à être magnifiée ou espérée dans son intégralité, doit jouer et trouver sa place dans le puzzle, offrir un peu de son insouciance à ceux qui aspirent à partager leur pot de moutarde, à l’ouvrir pour eux et pour l’autre. Quitte, à force de l’ouvrir, à ce qu’il ne se vide.

Il restera présent. Et tout autre mot de moutarde nous le rappellera, on reverra ces moments. Comme une araignée ne sera plus une araignée, comme une chanson de Julien ou de France Gall ne seront plus juste cela, comme un p’tit surnom sera retiré de notre vocabulaire, pas de notre esprit…

On crée notre histoire, on accroche des souvenirs aux objets comme à notre esprit, on tâche d’en garder la saveur douce et sucrée. Seulement celle-là SVP… A emporter. Et à conserver.

Comme on ne vivra pas sans moutarde à l’avenir, on ne vivra pas sans le souvenir.

Le souvenir, c’est un tampon sur notre passeport, une preuve de notre vécu, une trace de nos choix, un tatouage sur notre épaule que l’on verra en se retournant sur notre passé… il ne tient qu’à nous qu’il fasse corps avec nous, qu’il soit un peu de ce que l’on deviendra, qu’on l’accepte et qu’il nous rappelle ce passage.

Oublier, c’est s’oublier. Nier, c’est vouloir aliéner son vécu.

Combien de bocaux faudra-t-il ouvrir, combien de gâteaux apéritifs faudra-t-il goûter ???

En apprécier la saveur à chaque fois, en garder précieusement le goût sont autant de réflexes qui nous rapprochent du mets le plus exquis, de la futile raison la plus improbable, de celle qui ne semblait pas mériter un roman et qui accouchera d’une rencontre qui méritera un pavé de 500 pages.

Et de ce pavé, lire chaque page en la savourant du premier au dernier mot, en apprécier les tournures de phrases comme celles des évènements, être accro à ce récit qui s’écrit et faire que la page suivante s’écrive à notre façon, avec notre style, ne jamais s’en prétendre l’auteur unique décideur, accepter que l’histoire nous surprenne, nous tienne en haleine, nous saisisse et nous emporte, se moquer de connaître avant l’heure la chute, résister à l’idée de vouloir lire la dernière page, attendre le rebondissement final sereinement.

En faire notre best-lifer…

2 réflexions sur “Le pot de moutarde

  1. CLerc !!!! Là, pour le coup, dans le texte, après vérification auprès de l’auteur c’est plutôt Clerc que Doré !!! C’eût pu, il eût pu mériter cet honneur-là. Il s’en remettra !!!!

Ron-ronne-moi un commentaire

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