(ré)Confortable !!!!!!!!


Oui, j’en ai vu passer des gens, j’en ai supporté littéralement et même épaulé dans des moments difficiles. Ils ne m’ont jamais remercié de les avoir réconfortés pendant quelques minutes, d’avoir apaisé leurs peurs au moment de rentrer dans le bureau.

Beaucoup avaient envie de fuir loin d’ici, loin de son regard et de ses interrogations.

D’autres se seraient volontiers cachés derrière mon dossier pour ne point qu’il les vit.

D’autres ont versé des larmes sur mes accoudoirs, ont rongé leurs ongles, ont caché leurs idées noires dans un magazine people comme si c’était une solution.

Heureusement, certains ont puisé en eux la force de passer la porte de son bureau en conquérants pour enfin déballer ce qui les détruisait depuis tant d’années et sortir avec ce sourire que j’espérais tellement voir un jour.

J’ai envie de croire que j’ai eu un rôle dans leur évolution. Je les aime vraiment. Tous.

Enfin, tous ceux qui me respectent, pas ceux qui frottent les semelles de leurs chaussures contre moi, pas ceux qui se balancent frénétiquement d’avant en arrière sans se soucier de mes « chevilles » fragiles, pas ceux qui s’affalent sans penser à mes ressorts fatigués.

Ceux-là n’ont que mon mépris.

Mais tous les autres m’ouvrent leur cœur sans le savoir, m’associent à leur trouble, à leur vie plus qu’ils ne le feront jamais avec le plus proche de leurs proches.

J’aimerais tant qu’ils sachent comme je les aime, qu’ils me fassent un clin d’œil complice, un salut tendre ou une caresse amicale en partant.

Je reste frustré de n’avoir aucun retour, un comble pour un fauteuil de salle d’attente de cabinet psychiatrique.

J’ai bien essayé d’en parler à son divan, mais celui-ci ne fraie pas avec le tiers-meuble comme il dit.

Tout cela parce que Monsieur est en cuir.

Je suis fier de mon tissu doux et duveteux, je n’en changerais pour rien au monde.

Tiens !!!!! Un nouveau !!!

Par expérience, je dirais un artiste. Mal peigné, habillé douteusement, lunettes sur le bout du nez, air ailleurs, emprunté, pas sûr d’où il est et où il va. Un écrivain vu le stylo sur son oreille. J’adore les artistes. Heurtés par la vie, inconstants et originaux, ils dépareillent vraiment parmi la cohorte de déprimés basiques et banals.

Enfin de l’action !!!! Je désespérais aujourd’hui.

Il hésite, scrute les gens, les murs, les livres, la secrétaire, son bureau, les fleurs sur son bureau. Elle lui parle. Il hésite. J’adore. Il balbutie. Elle lui répond. Il vient par ici.

Cool !!!!

Non !!! Pas cette chaise !!! Elle est malpolie et rustre !!!! Non !!! Viens, il te faut du feutré, du compatissant !! Je suis ton fauteuil !!!!

Viens, viens tâter du confort !! Victoire !!!! Excellent choix mon ami !!! Tu prends ta vie en main !!!! Enfin !!!! Il était temps !!!! Je ne te connais pas depuis plus de cinq minutes mais, crois-moi, j’en suis sûr, il est temps !!!!!

Moi aussi je suis timide au départ. Faire ce fameux premier pas, surtout quand vous êtes par nature immobile, est à chaque fois un tour de force.

Il me tapote nerveusement. Du calme mon gars, ce n’est que moi, sois toi-même. Comme quand tu rentreras dans la pièce d’à côté.

Petit à petit, il se sent mieux, se met à l’aise, s’enfonce, se laisse bercer par mes formes généreuses.

J’avoue que, là, je suis impatient. Parle !!! J’ai besoin de matière, envie de te connaître, vraiment besoin de savoir tout ou presque de toi, tes pensées, tes frayeurs, tes désirs même cachés, même cachés de toi. Laisse-toi faire, je suis là pour t’aider à les découvrir.

Je sens ses défenses tomber peu à peu.

Vraiment, il n’y a pas à dire, je lui mâche le boulot à mon patron. Et dire qu’il avait hésité entre moi et le violet.

Le violet n’avait pas la carrure, il était tout juste bon à recevoir les suppliques de grippés ou autres martyrisés du coude.

Bref !!

Revenons à mon Baudelaire contemporain.

Si !!! Donne-moi six mois et je fais de toi le scribouilleur le plus en vogue de la ville. J’ai des rêves de grandeur pour toi si tu savais.

Si tu savais.

Mais tu ne sais rien. Comme les autres.

Vas-y, c’est ton tour. Ignore-moi toi aussi, toi en qui je croyais.

Il a passé la porte sans rien dire. Je n’ai pas tout de suite compris. Il avait signé mon accoudoir gauche de son nom. Salaud !! Impoli et vandale en plus !!

Un an après, que dire ?? Je lui dois tout, je lui dois mon succès naissant, ma gloire nouvelle. Être autographié d’un tel talent me vaudra à jamais le regard bienveillant de tous. Et plus personne ne s’assiéra sur moi sans, au préalable, ce soupir de plaisir dont je ne me lasse pas.

2 réflexions sur “(ré)Confortable !!!!!!!!

  1. Pendant cinq ans je me suis couchée sur un canapé , je me suis efforcée ,concentrée, épuisée a faire des transferts ,avec comme cible un monsieur toujours assis derrière moi, qui ne me répondait qu’avec le son d’un crayon sur papier..Comme je regrette de ne pas avoir fait attention au mobilier !

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